Boeing: sortir du trou

Source: Les Echos

Source: Le Monde

PERTES & PROFITS|AVIATION

Par Philippe Escande

Le président des Etats-Unis, Donald Trump, est furieux. Il n’a toujours pas ses avions. En 2018, le Pentagone avait commandé deux Boeing 747-8 pour Air Force One, la flotte présidentielle. Ils devaient être livrés en 2024. Le tout nouveau président américain n’est même pas certain de les récupérer avant la fin de son mandat. Le ministère de la défense espère au mieux les avoir en 2028.

Plus rien n’est sûr en ce qui concerne Boeing, l’homme malade de l’Amérique autrefois premier constructeur mondial d’avions, et toujours premier exportateur du pays. Depuis les deux accidents des 737 MAX, en 2018 et 2019, qui ont causé la mort de 346 personnes, rien ne va plus dans l’entreprise. La firme a enregistré une perte de près de 11,8 milliards de dollars en 2024 (11,3 milliards d’euros), portant la perte totale depuis 2019 à 35 milliards. Les problèmes de qualité ont réduit ses cadences de production, et la firme a essuyé cinquante jours de grèves en 2024.

Restaurer la confiance

Comment résister à une telle tempête ? Arrivé en août 2024 à la tête d’une entreprise en plein chaos, Kelly Ortberg, ancien patron de l’équipementier Rockwell Collins, est condamné à l’optimisme. Et manifestement, il n’en manque pas. « Je suis assez satisfait du travail accompli », a-t-il affirmé, mardi 28 janvier, le jour de la présentation des résultats. Dès son arrivée, il a identifié le mal principal : une culture technique en déshérence, rongée par des années de focalisation sur les résultats financiers ; et les versements de dividendes pour l’actionnaire, oublieux des exigences industrielles et de la maîtrise d’une chaîne de valeur complexifiée par les milliers de sous-traitants dans le monde. Il raconte au Wall Street Journal que, lors de sa première visite d’usine, il a été stupéfait de constater que des lignes entières de production étaient consacrées à réparer des avions récents plutôt que d’en construire des neufs.

Outre une colossale augmentation de capital de 23 milliards de dollars, la firme, trop essentielle à l’Amérique pour disparaître, doit se concentrer sur ses usines, le contrôle qualité et le suivi de la production. Symboliquement, il a choisi de s’installer au cœur historique de Seattle (Washington), près des usines plutôt qu’au siège administratif de Chicago (Illinois). Avec deux objectifs : restaurer la confiance et remonter la production du best-seller 737 à quarante-deux avions par mois fin 2025, contre neuf en décembre 2024, selon le Wall Street Journal. S’il y parvient, Donald Trump aura peut-être son nouvel avion à l’heure.