Air France-KLM : Ben Smith obtient les pleins pouvoirs
Guy Dutheil. Journal Le Monde du 21-02-2019
La nouvelle gouvernance voulue par le directeur général du groupe franco-néerlandais a été adoptée. Pieter Elbers reste à la tête de KLM
L’état de grâce perdure pour Ben Smith, le directeur général d’Air France-KLM. Les résultats de la compagnie franco-néerlandaise, publiés mercredi 20 février, accordent une marge de manœuvre au patron canadien du groupe.
Malgré les grèves et la hausse des prix des carburants, premier centre de coûts d’une compagnie aérienne, le bénéfice net d’Air France-KLM a bondi pour atteindre 409 millions d’euros en 2018, contre 163 millions d’euros un an plus tôt. « La solide performance des équipes commerciales et la poursuite de la maîtrise des coûts ont permis de compenser en partie l’impact des grèves du premier semestre chez Air France ainsi que les effets négatifs de la hausse de la facture carburant », s’est félicité M. Smith. En effet, la note de kérosène s’est élevée à 4,958 milliards d’euros, en hausse de 451 millions par rapport à 2017.
Le directeur général peut néanmoins avoir le sourire. En 2018, tous les clignotants se sont mis au vert. Le groupe a ainsi franchi le seuil des 100 millions de passagers transportés. Surtout, la recette unitaire d’Air France-KLM, le véritable baromètre de la santé du groupe, a progressé de 1 %. Redevenu « le leader européen sur le long-courrier », aux dires de M. Smith, Air France-KLM peut aussi se frotter les mains grâce aux bonnes performances de Transavia, sa filiale à bas coûts. En 2018, la low cost a ainsi transporté plus de 15,8 millions de passagers, soit une augmentation de 7,1 %. Si la compagnie franco-néerlandaise est en pleine forme, Air France paie en revanche le prix des conflits sociaux qui ont entravé son activité. La facture des quinze jours de grève perlée s’est élevée, au total, à 335 millions d’euros. Un montant qui pèse sur les finances de la compagnie dont le résultat d’exploitation, établi à 266 millions, est en baisse de 597 millions d’euros. Cette année encore, Air France fait pâle figure comparée à KLM dont le résultat d’exploitation, pourtant en recul de 6 millions d’euros, dépasse le milliard pour atteindre 1,073 milliard d’euros.
Accord salarial
Fort des bons résultats financiers de la compagnie, Ben Smith a aussi reçu l’appui du conseil d’administration d’Air France-KLM, qui a approuvé « à l’unanimité », la stratégie développée par le directeur général. Surtout, le conseil, réuni mardi 19 février, a donné son feu vert à la nouvelle gouvernance souhaitée par le patron d’Air France-KLM. Les administrateurs ont approuvé la création d’un « CEO Comittee », un comité de direction placé sous l’autorité de Ben Smith. Cette nouvelle instance réunira la directrice générale d’Air France, Anne Rigail, le directeur général de KLM, Pieter Elbers, et le directeur financier d’Air France-KLM, Frédéric Gagey. Une nouvelle organisation qui, de fait, donne les pleins pouvoirs à M. Smith.
Pour obtenir gain de cause, le directeur général d’Air France-KLM s’est déplacé à Amsterdam, vendredi 15 février. Accompagné d’Anne-Marie Couderc, présidente non opérationnelle d’Air France-KLM, il a rencontré les ministres néerlandais des finances et des transports inquiets du devenir de KLM et de son patron Pieter Elbers. Comme on l’indique du côté du conseil d’administration d’Air France-KLM, « un compromis » a été trouvé. En échange du renouvellement pour quatre ans du mandat de M. Elbers à la tête de KLM, M. Smith a été admis à siéger au conseil de la filiale néerlandaise. Une concession qu’Alexandre de Juniac et Jean-Marc Janaillac, prédécesseurs de M. Smith, n’avaient jamais obtenue. Plus important encore, toutes les « décisions stratégiques » concernant KLM sont transférées au patron d’Air France-KLM.
Après avoir mis au pas Air France, M. Smith a désormais pris les commandes de KLM. Il aura la main sur la flotte, le réseau, la direction des ressources humaines, les finances, les achats et les politiques d’alliances des deux compagnies. « Un vrai groupe avec un vrai patron du groupe », confie un proche du dirigeant canadien.
Comme un bonheur n’arrive jamais seul, les pilotes ont donné leur feu vert, mardi, à l’accord salarial proposé M. Smith. A l’issue d’une consultation, étalée sur trois semaines, lancée par le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), les pilotes de la compagnie ont massivement approuvé, à 85,42 %, l’accord catégoriel proposé par la direction de la compagnie. Outre une augmentation de 4 % des rémunérations, les pilotes ont obtenu des garanties sur le maintien de l’activité d’Air France. Cet accord met un terme au conflit social de plusieurs mois qui avait pénalisé l’activité d’Air France.