Berlin « Willi Brandt » airport: un an après l’ouverture, toujours en rodage

Chaos et déboires en série à l’aéroport de Berlin

Dans la nouvelle infrastructure, inaugurée en 2020 avec huit ans de retard sur le calendrier initial, les incidents se multiplient, provoquant d’importants retards et des annulations de vols… ainsi que l’exaspération des usagers.

Par Thomas Wieder(Berlin, correspondant)

Publié 9/11/21 à 02h19, mis à jour à 07h23 

C’était il y a un an, le 31 octobre 2020. Ce jour-là, avec huit ans de retard par rapport à la date prévue, Berlin inaugurait son nouvel aéroport. A l’époque, tout le monde espérait qu’une page était tournée et que cet équipement flambant neuf baptisé du nom de l’ancien chancelier Willy Brandt, dont l’ouverture avait été six fois annoncée et six fois reportée, allait enfin cesser d’être un objet de risée nationale.Lire aussi  Article réservé à nos abonnésA Berlin, un nouvel aéroport huit ans trop tard

C’était une erreur. Un an plus tard, le fiasco est total. Le week-end du 9 octobre, l’augmentation du trafic lié au début des vacances d’automne à Berlin et dans le Land voisin du Brandebourg a provoqué un véritable chaos : soumis à des attentes interminables aux comptoirs d’enregistrement et aux contrôles de sécurité, de nombreux passagers ont raté leur avion. Au point que la Lufthansa a conseillé à ses clients d’arriver à l’aéroport Willy-Brandt non pas deux, mais quatre heures avant le départ de leur vol…

Depuis, l’aéroport a connu d’autres déboires. Mardi 2 novembre, des germes fécaux ont été découverts dans l’eau – censée être potable – coulant des robinets des toilettes. Vendredi 5 novembre, le trafic a été totalement désorganisé pendant plus d’une demi-journée après le déclenchement d’un détecteur de fumée dans des toilettes où quelqu’un avait allumé une cigarette. Des centaines de passagers qui se trouvaient déjà en zone d’embarquement ont dû passer les contrôles de sécurité une seconde fois, ce qui a provoqué des retards de plusieurs heures au décollage, et même l’annulation de certains vols. L’incident a aussi eu des conséquences sur les arrivées, certains voyageurs ayant dû attendre leurs bagages pendant plus de cinq heures après l’atterrissage de leur avion.

Une situation financière catastrophique

Pour la société gestionnaire de l’aéroport (FBB), ce dernier épisode ne pouvait plus mal tomber. C’est en effet ce même 5 novembre que sa présidente, Aletta von Massenbach, a remis au ministère fédéral des transports le rapport que celui-ci lui avait commandé après le week-end noir du début des vacances d’automne.

Dans ce document de quatre pages, la FBB reconnaît – avec un certain art de l’euphémisme – que la situation « n’est pas optimale » mais explique que les perturbations qui ont eu lieu en octobre sont d’abord liées aux circonstances : ayant tourné au ralenti depuis son ouverture, en pleine seconde vague de la pandémie de Covid-19, le nouvel aéroport n’était pas organisé pour faire face à l’augmentation du trafic enregistrée en ce début d’automne. Evoquant des besoins supplémentaires en personnel, la direction promet une « évaluation des capacités de contrôles de sécurité », une « amélioration des installations sanitaires » et une « reconfiguration du hall d’enregistrement ». Est aussi cité le manque criant de taxis à cause d’un conflit concernant l’octroi de licences entre le Land de Berlin et l’arrondissement du Brandebourg, où se trouve l’aéroport.

A tout cela s’ajoute une situation financière catastrophique. Frappé, comme tous les aéroports du monde, par les conséquences de la crise sanitaire, le nouvel aéroport de Berlin, dont la construction a coûté deux fois plus cher que les 2,7 milliards d’euros prévus au départ, est dans le rouge : détenue à 37 % par le Land de Berlin, 37 % par celui du Brandebourg et 26 % par l’Etat fédéral, la FBB a besoin de 2,5 milliards d’euros d’ici à 2026 pour éponger ses dettes et pouvoir emprunter enfin sur les marchés.

De l’ironie à l’exaspération

A l’époque où il n’en finissait pas de se faire attendre, le nouvel aéroport de Berlin était volontiers moqué, au point qu’il eut même droit à un jeu de société dont les cartes listaient les innombrables avaries du chantier (système incendie défaillant, escalators trop courts, réseau électrique inexploitable), et dont le vainqueur était le joueur parvenant à finir les travaux en dépensant le plus d’argent possible.

Depuis, l’ironie a laissé place à l’exaspération, comme en témoignent les innombrables messages postés sur les réseaux sociaux par des anonymes ou des célébrités pestant contre les heures perdues à attendre leur valise ou leur taxi, les centaines de mètres à parcourir – sans le moindre tapis roulant – entre les contrôles de sécurité et les portes d’embarquement, les escalators à l’arrêt, les poubelles non vidées, les panneaux d’affichage en panne, etc. Des messages parfois ponctués d’évocations nostalgiques du Tegel, cet aéroport du Berlin-Ouest de la guerre froide, certes furieusement désuet mais éminemment pratique avec ses comptoirs d’embarquement donnant un accès direct aux avions.

Alors que l’aéroport Willy-Brandt a été conçu pour accueillir 40 millions de passagers par an, beaucoup s’inquiètent de le voir déjà fonctionner si difficilement alors que seulement 8 millions de passagers s’y sont croisés entre janvier et octobre de cette année. Pour l’instant, il est en effet bien loin de tourner à plein régime, puisqu’une seule piste est utilisée et qu’un seul terminal est ouvert depuis que l’autre – qui correspond à l’ancien aéroport de Schönefeld – a été fermé, en début d’année, faute d’un nombre suffisant de passagers.