Source: Le Monde
Aéroports et compagnies ont accumulé retards et annulations de vols cet été
En France, 38 % des voyageurs ont souffert de retards ou d’annulations de vols entre mai et août, selon les données de la société AirHelp. En cause, notamment, le manque de personnels.
Par Guy Dutheil
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A trop avoir licencié pendant la crise, les aéroports et les compagnies aériennes se sont trouvés fort dépourvus quand la reprise fut venue. Cet été, les passagers ont dû s’armer de beaucoup de patience. Les retards et les annulations de vols se sont multipliés en Europe et particulièrement en France. Selon les données collectées par AirHelp, une des plus importantes sociétés spécialisée dans la récupération des indemnités dues aux passagers, en France, entre mai et août, 38 % des 20 millions de voyageurs ont souffert de retards ou d’annulations de vols. Soit 10 points de plus qu’en 2019, dernière année avant la pandémie.
Pourtant, à l’époque, ce sont 28 millions de passagers qui avaient été transportés depuis les aéroports français. Toute l’Europe a été touchée : 35 % des passagers ont vu leur avion arriver en retard ou leur vol tout simplement annulé. Sans surprise, note AirHelp dans une étude publiée le 23 septembre, c’est le manque de personnels dans les aéroports ou au sein des compagnies aériennes qui est la première cause des problèmes de ponctualité. Il faut dire que, pendant la crise liée au Covid-19, nombre de compagnies ont taillé à la serpe dans leurs effectifs.
A l’exemple de la compagnie à bas coûts britannique Easyjet, qui, en 2020, avait licencié un tiers de son personnel, soit 4 500 postes. Avant d’annoncer, en juin 2022, une réduction de ses capacités faute de salariés… « En juin, notamment, il y a eu une tension sur les effectifs, les personnels navigants commerciaux [PNC]et les pilotes », reconnaît un cadre dirigeant d’une compagnie. « Certaines », ajoute-t-il, comme Easyjet, « ont connu un redémarrage difficile ». D’autres low cost ont pu repartir plus vite, comme Ryanair ou Wizz Air, car elles avaient supprimé moins de postes : 15 % pour la compagnie irlandaise et 20 % pour sa rivale hongroise, tout en baissant les rémunérations.
Poids sur les finances
Aussi vigoureuse que soit la reprise, l’activité n’a pas encore retrouvé ses niveaux d’avant la crise. A la fin août, le ciel européen était sillonné par près de 31 000 vols quotidiens en moyenne, contre 35 000 à la même période en 2019. Et le rebond de l’activité n’a pas surpris tout le monde. « Emirates n’a pas été affectée » par les retards et annulations, se félicite Cédric Renard, directeur général France de la compagnie du Golfe. Selon lui, « elle avait prévu la montée en charge en lançant depuis l’automne 2021 un programme de recrutement de 4 000 PNC, 600 pilotes et 1 200 ingénieurs et techniciens qualifiés ». A l’en croire, Emirates n’a procédé à « aucune annulation de vol ».
D’autres, comme Transavia, qui avaient maintenu leurs effectifs, ont quand même eu un peu de mal à accompagner le retour de l’activité. En cause, selon nos informations, un retard dans la formation des pilotes notamment. En juin, les navigants étaient encore trop peu nombreux alors que, pendant la pandémie, la filiale à bas coûts d’Air France à vu sa flotte croître de 40 % pour atteindre 61 appareils cet été.
Les aéroports sont aussi pointés du doigt. Au premier rang des mauvais élèves, dénonce AirHelp, figure Paris – Charles-de-Gaulle. Sur près de 8,4 millions de voyageurs de la plus fréquentée des plates-formes aéroportuaires européenne, 45 % ont été pénalisés par des retards. L’aéroport du Nord parisien devance d’une courte tête Heathrow, l’aéroport de Londres, dont 40 % des quelque 8,3 millions de passagers ont dû s’armer de patience avant d’embarquer.
Cette explosion du nombre des retards et des annulations de vols commence à peser sur les finances des compagnies aériennes. Fin juillet, Johan Lundgren, directeur général d’Easyjet, a annoncé que le coût de ces désagréments pour son entreprise s’était élevé à 157 millions d’euros au deuxième trimestre. Les règlements européens, qui veulent protéger les consommateurs, imposent aux compagnies aériennes de lourdes indemnisations en cas de retard de plus de trois heures ou d’annulation de vol.
L’indemnité versée aux passagers dépend de la distance du vol. Elle est de 250 euros jusqu’à 1 500 kilomètres de vol, 400 euros pour un trajet de 1 500 à 3 000 kilomètres, et 600 euros au-delà de 3 500 kilomètres. Une indemnisation souvent méconnue des passagers. Les compagnies ont d’ailleurs entrepris un lobbying auprès de Bruxelles pour revoir cette réglementation, qu’elles estiment trop favorables aux voyageurs. L’association Airlines for Europe, qui réunit un grand nombre de compagnies européennes, comme Air France-KLM, Lufthansa, le groupe IAG (British Airways) et des low cost, se plaint que l’indemnité soit parfois supérieure au prix du billet d’avion. La République tchèque, qui a pris le 1er juillet la présidence du Conseil de l’Union européenne, aurait accepté de remettre le sujet sur la table.
Guy Dutheil