Avec ses microlanceurs, la France veut rester dans la course
Alors que la demande s’accroît, portée par la miniaturisation des satellites, l’Hexagone est en retard sur les Américains et les Chinois
D. G. Source Le Monde
Il ne faut pas traîner, c’est maintenant que cela se joue. » François Chopard, fondateur de Starburst, un incubateur de start-up aéronautiques et spatiales, fait partie des sept ambassadeurs du volet du plan d’investissement France 2030 consacré à l’espace.
A ce titre, il participe à l’attribution de 1,55 milliard d’euros de financement public sur cinq ans, décidée en décembre 2021 par le gouvernement, aux entreprises émergentes du new space. Objectif : tenter de rester dans la course menée par les Américains et les Chinois.
« Pour les Etats-Unis, c’est un sujet de suprématie, ou de supériorité face à la Chine ; pour les Européens, c’est plus un souci d’indépendance face aux Américains », précise cet ingénieur aérospatial.
Plusieurs appels à projets se succéderont au fil des années sur différents thèmes, afin de renforcer la filière spatiale française, d’accélérer sa mutation technologique et de contribuer à la souveraineté du pays. « Nous essayons d’orienter, de conseiller dans le choix des projets, pour que les montants soient les plus importants possibles, que personne ne soit oublié et, surtout, que ce soit stratégique », explique M. Chopard.
La priorité étant l’autonomie d’accès à l’espace, le premier appel à projets a concerné les microlanceurs – ces petites fusées capables de placer en orbite basse des charges inférieures à 500 kilos –, un domaine où la France est en retard, en comparaison avec les Britanniques et les Allemands, sans parler des Américains. Et ce, alors que la demande s’intensifie, portée par la miniaturisation des satellites, dont la taille peut se réduire à celle d’une boîte à chaussures pesant moins de 50 kilos.
Leur puissance augmentant et les coûts baissant, ils sont devenus incontournables pour les télécommunications, la défense, la finance, l’agriculture ou les transports.
Selon le cabinet Euroconsult, les perspectives de croissance du secteur n’ont jamais été si élevées : 12 600 satellites devraient être lancés dans la décennie 2020, dont 8 600 petits satellites en orbite basse, à 500 kilomètres de la Terre.
Effet de levier
Dans cette première édition du volet spatial, douze des quinze projets retenus au début du mois d’octobre concernent donc des microlanceurs, de leur fabrication aux services, en passant par les composants et l’électronique. Il s’agit d’Opus Aerospace, Sirius Space Services, SpaceDreamS, Nobrak, Hybrid Propulsion for Space, CMP Composites, The Exploration Company, Watt & Well, Halcyon, Latitude, Leanspace et Exotrail.
L’objectif est de disposer d’un microlanceur réutilisable en 2026. Les 65 millions d’euros alloués à ces quinze premiers lauréats sont évidemment insuffisants pour que chacun mène à bien ses projets. Mais ils les légitimisent.
« Avec ce soutien du gouvernement, ces entreprises innovantes montrent qu’elles sont crédibles, souligne Maxime Puteaux, conseiller industrie chez Euroconsult. Cela leur permet d’aller ensuite trouver les financements nécessaires auprès d’investisseurs privés. »
L’effet de levier peut alors être massif, comme ce fut le cas en Allemagne pour le microlanceur Isar. Les pouvoirs publics ont apporté 22 millions à cette start-up, qui a ensuite levé 140 millions d’euros en 2021.
« C’est un changement complet de paradigme pour la France, et on l’a vu dans la réaction de la presse internationale, note Stanislas Maximin, fondateur de Latitude, l’entreprise qui bâtit, à Reims, la microfusée Zéphyr, dont le premier vol est prévu pour fin 2024. « L’Etat accepte désormais que les innovations spatiales viennent aussi d’acteurs privés financés majoritairement par des investisseurs privés et il les soutient, alors qu’auparavant, il intervenait majoritairement sur ses propres programmes. »
Même sentiment pour Jean-Luc Maria, cofondateur d’Exotrail : « C’est une évolution très importante. Ce n’est plus l’Etat qui définit les spécificités du véhicule, mais c’est l’entreprise qui propose la solution la plus adaptée. » Son SpaceVan a été retenu pour deux missions : l’une de démonstration, en 2024 ; l’autre, l’année suivante, pour embarquer un satellite fourni par le Centre national d’études spatiales. Ce minivan, pas plus gros qu’un petit réfrigérateur, partira dans une fusée. Une fois en orbite basse, il la quittera pour placer le satellite sur sa position exacte.
« C’est un peu la “livraison du dernier kilomètre” version spatiale », précise M. Maria. Après les microlanceurs, le deuxième appel à projets, lancé début octobre, porte sur les constellations de satellites. Un domaine dans lequel, là encore, les Américains ont pris de l’avance.
La demande concerne l’environnement et la météo, la surveillance depuis l’espace, l’imagerie haute résolution, la connectivité, la mobilité et les sciences. L’objectif, cette fois, est d’avoir dix services assurés par des constellations européennes opérationnelles en 2030.