Source: le Monde du 9/12/22
Le secteur aérien devrait renouer avec les profits en 2023
Selon l’Association internationale du transport aérien, les compagnies devraient réaliser 4,5 milliards d’euros de marge
Guy Dutheil
C’est Noël avant l’heure pour les compagnies aériennes ! Selon les prévisions de l’Association internationale du transport aérien (IATA) publiées mardi 6 décembre, le retour aux profits pour les compagnies est attendu en 2023. Certes, la marge bénéficiaire ne sera pas mirobolante puisqu’elle sera limitée à un peu moins de 4,5 milliards d’euros pour l’ensemble des transporteurs, soit une marge nette de 0,6 %. Mais les compagnies reviennent de loin. Il s’agira de leurs premiers bénéfices depuis 2019, quand elles avaient engrangé un peu plus de 25 milliards d’euros de profits.
Selon les chiffres de l’IATA, la pandémie de Covid-19 a coûté très cher aux compagnies aériennes. En 2021, le montant global de leurs pertes s’est établi à 40 milliards d’euros. Presque un moindre mal en comparaison des 130 milliards d’euros perdus en 2020, au plus fort de la crise sanitaire. Ce retour à meilleure fortune est considéré comme « une grande réussite compte tenu de l’ampleur des dommages financiers et économiques causés par les restrictions imposées par les gouvernements en cas de pandémie », a souligné Willie Walsh, directeur général de l’IATA.
Mieux, ces premiers bénéfices viennent confirmer la trajectoire de redressement empruntée par les acteurs du secteur. Un retour plus rapide que prévu. En juin, l’IATA avait prévu 8,5 milliards d’euros de pertes pour l’ensemble de 2022. In fine, les compagnies ne devraient perdre, cette année, « que » 5,7 milliards d’euros.
Il n’empêche, a tenu à tempérer le patron de l’IATA, les futurs profits attendus en 2023 ne sont qu’une goutte d’eau dans l’immensité des revenus des compagnies. « Un bénéfice de 4,5 milliards d’euros sur des revenus de l’industrie de 740 milliards d’euros illustre également qu’il y a beaucoup plus de chemin à parcourir pour mettre l’industrie mondiale sur une base financière solide », a relevé M. Walsh. En clair, a-t-il précisé, ce rebond risque d’accentuer le fossé entre les compagnies qui auront les moyens de participer à la reprise du trafic et celles qui n’auront pas les poches assez profondes pour y faire face.
Regain fragile
Déjà, les grandes compagnies américaines font figure de principales gagnantes de la sortie de crise. Après avoir beaucoup licencié au plus fort de la pandémie, elles ont aussi profité des aides financières qu’elles ont pu percevoir pour entamer le renouvellement accéléré de leurs flottes. A l’exemple de Delta Air Lines qui, lors du salon de l’aviation de Farnborough (Royaume-Uni), en juillet, a passé une commande de cent Boeing moyen-courrier 737 MAX. Un contrat évalué à près de 13,5 milliards d’euros. Pour faire bonne mesure, la compagnie a poursuivi ses emplettes cet été avec l’achat de douze A220, l’un des nouveaux moyen-courriers vedettes d’Airbus.
En Europe aussi, la reprise s’est manifestée. Et Air France n’a pas été la dernière a en profiter. Bien au contraire, la compagnie a bénéficié d’un été radieux ! Entre juin et septembre, elle a dégagé un bénéfice d’exploitation de 1,024 milliard d’euros. Une performance notable car la rentabilité de la compagnie est supérieure à celle d’avant la pandémie. Elle est même d’autant plus remarquable que sa filiale néerlandaise KLM a vu ses recettes estivales amputées de 225 millions d’euros à cause des limitations de trafic imposées à son aéroport principal, son hub de Schiphol.
Portée par ce retour en forme, Air France en a profité pour confirmer le remboursement, par anticipation, de 1 milliard d’euros sur les 3,5 milliards d’euros de prêts garantis accordés par l’Etat pour lui permettre de ne pas faire faillite pendant la crise.
A en croire l’IATA, les mauvais jours devraient bientôt n’être plus qu’un lointain souvenir pour les compagnies aériennes. Malgré un environnement économique incertain et la guerre en Ukraine, le patron de l’IATA veut croire qu’il existe « de nombreuses raisons d’être optimiste pour 2023 ». Selon lui, l’un des moteurs principaux de la marche en avant des compagnies reste la détente des prix du pétrole alors que le poste carburant représente un tiers des coûts fixes d’une compagnie.
Néanmoins, M. Walsh signale qu’avec des marges bénéficiaires encore très faibles ce regain reste très fragile. Il suffirait d’une nouvelle flambée des cours du pétrole ou d’un reflux du trafic passagers pour que les voyants aujourd’hui revenus au vert repassent dans le rouge.
Pour l’heure, les compagnies peuvent voir l’avenir en rose. Le trafic passagers ne faiblit pas. En témoigne la bonne fortune des Ryanair et autre easyJet. La première a enregistré, fin septembre, au premier semestre de son exercice décalé, le plus gros bénéfice après impôts de son histoire, avec un profit de 1,371 milliard d’euros. Quant à la compagnie à bas prix britannique, elle a divisé ses pertes par cinq et connu « un rebond record cet été », avec un bénéfice d’exploitation « le plus élevé jamais enregistré pour un seul trimestre », à 674 millions de livres (783 millions d’euros), s’est même réjoui son directeur général, Johan Lundgren.
En 2023, les compagnies devraient garder le sourire. L’envie de voyager des passagers, qui ne se dément pas selon l’IATA, devrait leur rapporter près de 500 milliards d’euros de chiffre d’affaires. En 2023, le trafic devrait atteindre 85,5 % de celui de 2019 et dépasser les 4 milliards de passagers transportés pour la première fois depuis quatre ans.