Airbus a enregistré des bénéfices record en 2022
L’avionneur européen, fort d’un résultat net de 4,2 milliards d’euros, veut accélérer sa remontée en cadence
Guy Dutheil. Le Monde du 18/02/2023
Airbus n’a plus que des problèmes de riche. En 2022, l’avionneur européen a enregistré le plus important bénéfice de son histoire. Ainsi, le groupe présidé par Guillaume Faury a affiché un résultat net de 4,2 milliards d’euros, en hausse de 1 % par rapport à 2021, qui constituait son précédent record. Le chiffre d’affaires, lui, a culminé à 58,9 milliards d’euros.
Ces résultats ont été obtenus alors que, dans le même temps, les livraisons d’avions n’ont pas été à la hauteur de ses attentes. Or, elles représentent un moment crucial de l’activité d’un constructeur aéronautique. En effet, ce n’est qu’à cette étape du contrat qu’il est payé par ses clients. En 2021, Airbus n’a livré que 661 avions, quand ses prévisions étaient de 720. En 2023, il escompte de nouveau livrer ce nombre d’appareils.
Cette bonne performance confirme la stratégie instaurée avant même la fin de la pandémie de Covid-19 par Airbus, qui avait parié très tôt sur une reprise de l’activité et du trafic aérien. « L’anticipation a été le maître mot », a déclaré M. Faury. Il n’empêche, la crise sanitaire a pesé sur l’activité de l’avionneur, lequel a notamment pâti des problèmes d’approvisionnement, ralenti par les difficultés rencontrées par ses sous-traitants.
Carnets de commandes pleins
Ces derniers, qui ont été moins aidés par l’Etat ou plus tardivement, ont souvent taillé dans leurs effectifs pour franchir cette période difficile et ont eu du mal à recruter quand l’activité a montré des signes de reprise. Enfin, Airbus a dû composer avec l’attentisme exacerbé dont a fait montre le motoriste Safran, son fournisseur de premier rang. « Les moteurs sont la partie la plus importante de la supply chain [chaîne d’approvisionnement], la plus complexe », a confié Guillaume Faury.
Selon lui, « Safran a été très prudent sur la vitesse du redémarrage ». « C’est certainement eux qui nous ont posé le plus de problèmes », a-t-il estimé. Toutefois, les divergences sur le tempo de la remontée en cadence entre Airbus et son fournisseur sont désormais aplanies. « Aujourd’hui, Airbus et Safran sont parfaitement alignés sur les objectifs », a ajouté le patron de l’avionneur.
Si les relations sont revenues au beau fixe avec Safran, Airbus n’a pas encore fini de solder ce passé récent. M. Faury a jugé que l’environnement plus compliqué que prévu « [avait] empêché la supply chain de se rétablir au rythme espéré ». « Cela va nous prendre deux ans pour accomplir ce que nous avions prévu d’accomplir en un an. » Un léger contretemps pour l’avionneur, selon lequel « la priorité est la montée en cadence ».
En pratique, il entend désormais sortir de ses chaînes d’assemblage soixante-cinq exemplaires par mois de l’A320, son blockbuster, en 2024. En 2022, la production mensuelle du moyen-courrier a été de l’ordre de quarante-cinq exemplaires. 2023 devrait être une année de transition, mais « je crois que nous atteindrons les objectifs que nous nous sommes fixés », a renchéri le patron d’Airbus.
Dès 2024, mais surtout à partir de 2025, l’avionneur veut appuyer à fond sur l’accélérateur. D’ici deux ans, il prévoit de produire « soixante-quinze exemplaires de ses monocouloirs de la famille A320 », dont 60 % d’A321, le nouveau modèle favori des compagnies aériennes. Un véritable couteau suisse qui, selon les configurations, peut proposer les capacités d’un long-courrier, mais avec les coûts d’un moyen-courrier.
Il faut dire que les carnets de commandes d’Airbus sont pleins à craquer. Après la commande géante d’Air India, annoncée mardi 14 février, l’avionneur détient plus de 6 000 moyen-courriers en commande. Alors qu’avant la crise sanitaire, il fallait que les compagnies aériennes patientent cinq ans pour être livrées, les délais se sont allongés après la pandémie. Aujourd’hui, a précisé M. Faury, « les premiers créneaux disponibles de livraison sont fixés en 2029 ou 2030 ». Au total, l’avionneur dispose de près de onze années de production garantie.
13 000 recrutements en 2023
Pour servir au plus vite ses compagnies clientes, Airbus accroît ses capacités de production à grande vitesse. Mercredi 15 février, il a inauguré, à Toulouse, une nouvelle ligne d’assemblage dernier cri. Un immense bâtiment aux dimensions impressionnantes : 490 mètres de long, 250 mètres de large et 46 mètres de haut. Une usine édifiée en 2004 pour produire alors le « seigneur du ciel », l’A380, dont le dernier exemplaire est sorti des chaînes en 2020.
Avec cette cathédrale industrielle ultramoderne, Toulouse revient au niveau des autres sites d’assemblage, notamment ceux situés en Allemagne. Toutefois, Airbus refuse désormais de communiquer les cadences de production par site, afin de ne pas exacerber la concurrence entre les ouvriers des différentes chaînes d’assemblage, principalement entre Hambourg et Toulouse. Après l’usine toulousaine et le prochain démarrage d’une seconde ligne à Mobile (Alabama), Airbus disposera de neuf chaînes d’assemblage pour tenir ses objectifs de production.
Outre les usines, l’avionneur a aussi repris les embauches. En 2023, il compte recruter 13 000 salariés. Un revirement radical par rapport aux années Covid. En pleine pandémie, le groupe avait annoncé un plan d’adaptation qui prévoyait la suppression de 4 000 postes. Toutefois, grâce aux aides d’Etat et au chômage partiel, les coupes claires s’étaient arrêtées à 2 000 postes supprimés.
Déjà très occupé par l’essor de la demande pour ses moyen-courriers, Airbus doit aussi faire face au regain des gros-porteurs long-courriers, qui retrouvent grâce aux yeux des compagnies aériennes. « C’est la beauté d’un groupe comme Airbus qui a du succès et doit tenir tous ses programmes en même temps », s’est exclamé M. Faury. L’A350, le dernier-né de ses gros-porteurs, dont Air India s’est portée acquéreur de 40 exemplaires, va voir sa production augmenter de 50 % pour atteindre les neuf exemplaires par mois en 2025. Une hausse des cadences qui sera effectuée après une concertation avec tous les maillons de la chaîne de fournisseurs, et notamment avec le motoriste britannique Rolls-Royce.