Safran, Thales: des achats

L’aéronautique, entre frénésie d’acquisitions et hausse des cadences de production

Deux des fleurons du secteur, Safran et Thales, ont annoncé des achats stratégiques

Guy Dutheil

La crise due au Covid-19 n’est plus qu’un mauvais souvenir pour les grands noms de l’aéronautique qui, désormais, profitent des occasions nées dans le sillage de la pandémie. Deux fleurons du secteur, Safran et Thales, ont ainsi annoncé des acquisitions stratégiques. Le motoriste s’est porté acquéreur, pour 1,8 milliard de dollars (environ 1,6 milliard d’euros), des activités d’actionnement de commandes de vol de l’équipementier américain Collins Aerospace.

Pour Safran, cette opération de croissance externe est la plus importante depuis le rachat de l’équipementier français Zodiac, en 2017. Elle va lui « permettre d’entrer dans la future génération d’avions », explique Olivier Andriès, le directeur général du motoriste. En effet, les acteurs qui maîtrisent ces technologies sont peu nombreux, car « la relation de confiance entre l’équipementier et l’avionneur est très importante ».

Ces activités aujourd’hui « essentiellement hydrauliques et mécaniques vont devenir plus électriques. La prochaine génération de moyen-courriers, attendue vers 2035, sera équipée de commandes de vol hybrides », ajoute M. Andriès. L’un des éléments-clés de la décarbonation du transport aérien.

Pour Safran, cet achat ne représente presque aucun risque, Collins Aerospace s’étant engagé à assurer un quart du chiffre d’affaires avec ses commandes. Le motoriste s’immisce aussi dans le programme du F35, le dernier-né des avions de chasse américains, qui bénéficie des commandes de vol désormais dans l’escarcelle de Safran. Il reste à attendre le feu vert des autorités de la concurrence pour valider l’opération.

Si le motoriste consolide sa présence dans l’aéronautique, le groupe d’électronique Thales a choisi de devenir l’un des leaders mondiaux de la cybersécurité. Le groupe de Patrice Caine vient de mettre la main sur l’entreprise californienne Imperva, un acteur majeur du secteur, détenue par le fonds d’investissement Thoma Bravo. Pour s’adjuger cette société, Thales va débourser 3,6 milliards de dollars. Il s’agit de la deuxième plus importante acquisition du groupe après celle du fabricant de cartes à puce Gemalto, en 2019, pour 4,8 milliards d’euros.

Cette opération « va nous permettre de créer, avec notre propre activité de cybersécurité, un acteur de classe mondiale positionné sur des segments à forte croissante et forte profitabilité », souligne M. Caine. Il faut dire qu’Imperva est bien positionné puisqu’il détient dans son portefeuille de clients sept des plus grandes banques du monde et six des plus importants opérateurs de télécoms.

Pendant ce temps, les avionneurs, eux, s’efforcent d’augmenter leurs cadences de production. Dassault devra redoubler d’efforts pour sortir de ses chaînes d’assemblage tous les Rafale. Après les 26 appareils commandés par l’Inde pour sa marine, c’est le Qatar qui pourrait en acquérir 24 supplémentaires.

Au total, en 2023, le carnet de commandes militaires devrait se gonfler d’une centaine d’avions en sus. En revanche, du côté de l’aviation d’affaires, l’avionneur n’a engrangé, au premier semestre, que 12 commandes, contre 41 il y a un an. Ce qui ne l’a pas empêché d’afficher un résultat net de 405 millions d’euros.

« Bonne trajectoire »

A l’occasion de la présentation des résultats trimestriels de Boeing, mercredi 26 juillet, son PDG, Dave Calhoun, a déclaré faire toujours face aux mêmes difficultés, « qu’il s’agisse de problèmes à résoudre dans [ses]propres usines ou à l’extérieur, dans la chaîne d’approvisionnement et les itinéraires logistiques ». L’avionneur américain a annoncé qu’il allait accroître le rythme de production de son 737 MAX, passant de 31 exemplaires par mois à 38. Une étape avant d’atteindre la cadence de 50 exemplaires sortis chaque mois en 2025 ou en 2026.

Pour Boeing, l’objectif est de livrer au plus vite les avions figurant dans son carnet de commandes, notamment entre 400 et 450 moyen-courriers et 70 à 80 long-courriers 787 Dreamliner. Mais le moindre impondérable peut tout remettre en cause, à l’image de la grève de juin, rapidement interrompue, chez le fabricant américain de fuselage Spirit AeroSystems. Si Boeing retrouve de l’allant sur le plan industriel, ses finances, en revanche, souffrent toujours des déboires du 737 MAX. Au deuxième trimestre, l’avionneur a encore perdu 149 millions de dollars.

En ce qui concerne Airbus, le motoriste Pratt & Whitney constitue l’élément perturbateur de la montée en cadence. Celui-ci a annoncé de nouvelles inspections sur certains de ses moteurs qui équipent les A320. Guillaume Faury, PDG d’Airbus, a indiqué, mercredi, lors de la présentation des résultats trimestriels du groupe, que le rappel des moteurs n’aurait pas « d’impact sur les livraisons à venir ».

Après avoir remis 316 avions à ses clients au premier semestre, l’avionneur prévoit toujours d’en livrer 720 en 2023. « Nous sommes sur la bonne trajectoire », a jugé M. Faury. Si l’objectif d’atteindre une cadence de production de 75 A320 par mois en 2026 est maintenu, les objectifs intermédiaires (65 exemplaires en 2024), ne le sont plus. A l’inverse de Boeing, Airbus continue d’engranger des profits. Son bénéfice ajusté progresse de 34 %, pour s’établir à 1,84 milliard d’euros.