Source: Les Echos
Source: Le Monde
Par Philippe Escande
Il fut un temps, pas si lointain, où l’aérien était le cauchemar des investisseurs raisonnables. L’Américain Warren Buffett, le plus célèbre d’entre eux, y avait perdu beaucoup d’argent avant d’en sortir. En France, l’Etat a plus de chance en ce moment. Pour éviter la faillite d’Air France-KLM à la suite de la crise sanitaire de 2020, il avait octroyé à la compagnie un colossal prêt garanti de 4 milliards d’euros. Peu pariaient sur un retour rapide de cet argent financé par le contribuable.
Surprise, non seulement la somme a été intégralement remboursée trois ans plus tard, mais c’est une bonne affaire. Selon les calculs du journal Les Echos, jeudi 26 octobre, l’Etat a récupéré près de 650 millions d’euros d’intérêt. Un rendement digne des meilleurs fonds vautours anglo-saxons. Et cela, sans compter la bonne affaire de son renforcement au capital de l’entreprise en 2022 avec une forte décote.
Hausse des prix des billets
Et ce ne sont pas les résultats trimestriels ébouriffants publiés vendredi 27 octobre qui viendront ternir son optimisme. La compagnie franco-néerlandaise a tout simplement annoncé les plus beaux résultats de toute son histoire. Sur la période cruciale de juillet à septembre, le groupe a doublé son bénéfice net, à 971 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires en croissance de presque 7 %. La compagnie affiche une marge opérationnelle de plus de 15 %. Du jamais-vu.
Etrange de réaliser de telles performances alors que l’inflation fait rage, que la conjoncture est morose et que le trafic passager n’est pas revenu à son niveau de 2019. L’explication est simple, des clients plus nombreux qui paient plus cher.
Le retour spectaculaire des voyageurs a buté contre des pénuries de toutes sortes, de personnels, d’avions, d’aéroports, qui ont restreint l’offre et permis d’augmenter les tarifs. Un phénomène qui a touché l’Europe entière, et donc amoindri les effets de la concurrence. Sur les neuf premiers mois de l’année, le prix des billets a augmenté de plus de 11 % en France, selon le ministère de la transition écologique.
D’où l’interrogation sur la suite. Air France-KLM pourra-t-elle longtemps se maintenir à cette altitude en plein marasme économique, même si le message des écologistes contre l’avion ne semble pas avoir beaucoup d’impact ? Il le faudra, car la société traîne encore une dette de près de 5 milliards et doit investir dans de nouveaux avions et dans le rachat de concurrents. L’année 2024 sera cruciale pour faire mentir les vieux investisseurs. En avion, les périodes les plus délicates sont le décollage et l’atterrissage.