Source Le Monde

Airbus conforte sa place de leader mondial
L’avionneur européen a dégagé des profits record et engrangé plus de 800 commandes en 2024
Guy Dutheil
Nous avons enregistré de solides prises de commandes dans toutes les activités en 2024, confirmant la forte demande pour nos produits et services », s’est félicité Guillaume Faury, PDG d’Airbus, à l’occasion de la publication des résultats annuels de l’avionneur européen, jeudi 20 février. Le patron d’Airbus a de quoi être satisfait, l’an passé, sa division aviation commerciale a enregistré 826 commandes net d’appareils supplémentaires. Au total, le carnet de commandes d’Airbus était valorisé, fin 2024, à 629 milliards d’euros contre 554 milliards d’euros il y a un an. Avec cette performance, l’avionneur européen tutoie ses sommets et s’impose comme le numéro un incontesté de l’aviation civile.
En 2024, son bénéfice net a progressé de 12 % pour atteindre 4,232 milliards d’euros et approcher le record de 4,247 milliards d’euros de 2022, à comparer à la perte abyssale de Boeing (– 14 milliards d’euros, dont presque 8 milliards pour sa seule division aviation commerciale) et à ses 377 commandes engrangées en 2024. Sans surprise, le PDG d’Airbus veut, à l’avenir, surfer sur cette bonne vague.
M. Faury prévoit déjà qu’en 2025 Airbus livrera 820 appareils contre seulement 766 en 2024. Ce n’est pas la première fois qu’Airbus se montre optimiste en début d’année avant de revoir à la baisse ses prévisions de livraisons en cours d’exercice, mais, affirme le PDG, « nous avons recentré nos efforts sur nos priorités-clés, notamment la montée en puissance de la production ».
« Un très bon début d’année »
En effet, ces deux dernières années, les ratés de la chaîne de fournisseurs ont freiné la montée en cadence de la production prévue par Airbus. Il n’empêche, l’avionneur prévoit toujours de sortir, chaque mois, 75 moyen-courriers A320 de ses chaînes d’assemblage en 2027 contre seulement 50 exemplaires aujourd’hui. Pour parvenir à livrer quelque 1 000 avions par an d’ici deux ans, Airbus table notamment sur le succès de son A321XLR. Son nouveau « best-seller », déjà commandé à plus de 500 exemplaires, offre aux compagnies clientes les performances d’un long-courrier, mais avec les coûts d’un moyen-courrier.
Si Airbus fait la course en tête de l’aéronautique, son rival Boeing donné comme moribond, il y a encore quelques mois, retrouve depuis peu quelques couleurs. A l’occasion de la publication des résultats annuels de Safran, vendredi 14 février, Olivier Andriès, directeur général du motoriste, a salué le retour en forme de l’américain.
En janvier, Boeing a livré 45 appareils à ses clients. Une performance qu’il n’avait pas reproduit depuis 2019. Pour le patron de Safran, pas de doute, c’est « un très bon début d’année ». M. Andriès se veut désormais confiant en les performances de son client. « Je n’ai aucun doute sur le fait que Boeing atteindra la cadence 38 [38 avions sortis des chaînes d’assemblage chaque mois] au cours du premier semestre de l’année 2025 et qu’il atteindra la cadence 42 avant la fin de l’année 2025 », prévoit le patron de Safran.
Toutefois avant de repartir véritablement de l’avant, Boeing devra d’abord obtenir de nouveau la certification de son 737 MAX et du long-courrier 787 de l’Agence fédérale américaine de l’aviation (FAA). Depuis les deux crashs, fin 2018 et début 2019, de 737 MAX qui avaient causé la mort de 346 passagers et membres d’équipages, la FAA se montre beaucoup plus sourcilleuse avant d’accorder son feu vert à Boeing.
De fait, l’avionneur américain n’est pas encore tiré d’affaire. En 2024 ses pertes abyssales étaient liées à la faiblesse des livraisons d’avions, seulement 377, mais aussi à la grève qui a paralysé plusieurs semaines les usines historiques de Renton et d’Everett dans la grande banlieue de Seattle (Etat de Washington). Un bon score qui doit être modéré car ces livraisons incluent beaucoup d’appareils garés sur des parkings depuis des mois. Une centaine serait d’ailleurs encore en attente autour des usines. Pour repartir de l’avant de façon pérenne, Boeing doit aussi en finir avec les problèmes de qualité de sa production. Pendant la crise liée au Covid-19, Boeing a taillé dans ses effectifs, supprimant plus de 10 000 emplois, et perdant des personnels d’expérience.
Boeing en panne de recrutement
Depuis la fin du Covid, l’avionneur a toutes les peines du monde à recruter du personnel qualifié. L’avenir ne semble pas bouché car, estime Remy Bonnery, spécialiste de l’aéronautique pour le cabinet de conseil Archery Strategy Consulting : « Les Etats-Unis ne laisseront jamais Boeing disparaître car il n’y a pas d’alternative. Et ce n’est pas non plus l’intérêt d’Airbus » qui peine à effectuer la remontée en cadence de ses productions.
Enfin, malgré ses ennuis, Boeing possède un carnet de commandes bien garni de 5 554 appareils encore à produire et à livrer. « Il n’a pas à rougir »de la comparaison avec Airbus, ajoute M. Bonnery, même si ce dernier est loin devant avec, fin 2024, 8 658 avions en commande soit plus de onze années de production garantie.
Avec un Airbus ralenti par sa chaîne de fournisseurs et un Boeing convalescent, un espace s’entrouvre pour l’arrivée d’un concurrent. « La menace chinoise » se profile, prévient un spécialiste du secteur qui souhaite rester anonyme car Airbus et Boeing figurent parmi ses clients. Mais elle restera longtemps limitée.
Le C919, le moyen-courrier développé par le chinois Comac, pourrait prendre seulement « 3 % du marché d’ici à 2030 et 5 % en 2035 » soit environ « 1 600 appareils », précise Florian Aknin, du cabinet de conseil Roland Berger. Pour l’heure, Comac, faute d’avoir fait certifier le C919 en Europe ou aux Etats-Unis, ne vend ses avions qu’à des compagnies aériennes chinoises. « Pour Airbus et Boeing, c’est le scénario idéal », souligne le spécialiste de Roland Berger. En revanche, « la vraie menace serait que Comac parvienne à livrer des avions à des compagnies à bas coûts asiatiques hors du marché chinois », prévient-il.